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Décompressez !

Publié le : 22/09/2016 - Auteur : Francis LE GUEN
Catégories : Histoires de plongée , matériel de plongée

Décompressez !


Vous plongez, vous faites confiance aux ordinateurs et aux algorithmes pour la décompression et vous avez raison. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Dans le passé, calculer ses paliers était tout une affaire. Et il existait, avant l’ère numérique, des méthodes analogiques aussi diverses et astucieuses qu’approximatives …
 


A mes débuts en Bretagne nord, point de salut sans la montre, le profondimètre et les tables de décompression immergeables. Mais nous étions bien peu à pouvoir nous payer ces rutilants accessoires. Il fallait alors caler sa remontée sur les plus petites bulles turquoise (20m / mn) et faire confiance au moniteur pour les différents paliers en restant scrupuleusement à sa hauteur tandis que le nez dans les tables, il semblait plongé dans de laborieux calculs de successive …


Rite de passage

La montre de plongée, c’était le premier accessoire à acquérir. Un rite de passage. Celui qui vous propulsait du statut de baigneur à celui de "plongeur autonome". Montres en plastique, en composites, ou taillées dans les aciers les plus rares : qu’importait le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse du temps de plongée. J’ai eu des "Aquastar", des "Seliva", et je côtoyais déjà des porteurs de "Rolex" mais l’important à nos yeux était qu’elles soient munies de grosses couronnes à régler "à la James Bond", histoire de bien se différencier des "terriens". Quelle prestance en effet que d’arborer cet instrument au poignet, et jusqu’aux bars de l’apéro ! Certains gardaient même le profondimètre, pour faire bon poids.

Le profondimètre ! Il n’en existait qu’un : le "Marine Nationale". Une grosse capsule chromée avec ses aiguilles et chiffres phosphorescents. Et cette "magnétique" profondeur maximale : moins quatre-vingt mètres (il existait un modèle beaucoup plus rare, gradué jusqu’à 120m) …  Mais, quoique bien taré, il fallait reconnaître qu’à -80, dans le vert bouteille de l’Atlantique, deux profondimètres de la même marque n’indiquaient pas toujours le même chiffre. Nous pouvions seulement être sûr que nous nous trouvions, entre …  75 et 90 mètres.

Nous pensions avoir fait une bonne affaire en achetant pour quelques piastres le premier « profondimètre à bulle ». Gradué jusqu’à -70, pensez …  Cet accessoire se vend toujours. Il s’agissait d’un simple petit tuyau de plastique enroulé sur un support gradué. La pression comprimait l’air du tube à travers un capillaire et la différence d’indice de réfraction permettait de repérer la profondeur. Il y fallait de bons yeux. Bien sûr la mesure n’étant pas linéaire, l’engin s’avérait inutilisable passé 15m et donc en plongée. Nous noyions notre chagrin dans la chasse sous-marine. N’ayant pas encore le « profondimètre dans l’oreille » il nous semblait utile de savoir que ce carrelet géant que nous venions de flécher sur le sable se trouvait à -18 …


Prête-moi ta montre !

Mon frère et moi étions déjà bien engagés dans l’exploration en plongée souterraine mais toujours sans moyens. Nous avions réuni un peu de matériel venu de la « plongée mer » : des blocs acier 9 et 12 litres avec le système de réserve condamné, des détendeurs « Spiro 8 » dernier cri, des bouées collerettes (certaines étaient saucissonnées sur les blocs de relais avec de la chambre à air pour les ballaster), de vaillantes lampes « Aquaflash » à piles, deux vêtements humides « peau de requin », une montre et un profondimètre. Un compresseur poussif et capricieux complétait notre fortune.

Nous avions économisé sur ce qui semblait secondaire, par exemple les chaussons néoprène que nous remplacions par des chaussettes ! Décision que nous allions regretter lors de la pointe au delà de 800m à la source de Landenouse, près de Cadrieu dans le Lot. L’entrée de la source se trouvait au fond d’un plan d’eau entouré de murailles, quelques mètres plus bas. La progression à l’échelle spéléo, tout équipé mais pieds nus fut un délice, surtout à la remontée. 
Le plan de plongée était simple. Mon frère partirait le premier pour déposer une bouteille relais vers les 400m. Je le suivrais un peu plus tard pour continuer en pointe. Mais nous n’avions qu’une montre et qu’un profondimètre… Heureusement, mon frère était musicien. Un vrai métronome ! Alors, nous avons simplement échangé les instruments lorsque nous nous sommes croisés sous l’eau, sur le fil. Eric à continué vers la sortie en décomptant le temps « 60 à la noire » pour pouvoir effectuer ses paliers tandis que je continuais en profondeur…


Décompressimètres ou six mètres de compresses ?

Venus d’Italie, sont apparus alors les premiers « décompressimètres » mécaniques. Mieux valait ne pas les ouvrir ! Ils contenaient un ballon qui se gonflait et se dégonflait à travers une porcelaine poreuse censée reproduire le comportement des tissus humains. Une aiguille (ou un simple cylindre glissant dans un tube) indiquait à la remontée la nécessité des paliers mais sans indiquer leur durée. Aux États Unis, l’appareil était surnommé "Bend O Matic"…  
Mais c’est avec ces instruments (j’en emmenais deux dans une pauvre tentative de redondance) que j’ai commencé à zapper les tables classiques et à me risquer dans des profils fantasques sans plus me préoccuper des "points bas" et des variations de profondeur. Un gain immense sur le temps de décompression à l’échelle d’une plongée souterraine. C’est ainsi que j’atteignais au fond du siphon de l’Aven du Reméjadou en Ardèche la profondeur de 42m avant de remonter presque en surface dans une faille étroite où l’argile neigeait. Et repartir en sens inverse, en montagnes russes, sur 700 mètres. Quand j’y repense …

Et puis vint le DecoBrain, mis au point par une équipe suisse et qu’on m’avait donné à tester. Un ordinateur de plongée ! Avec contacts de recharge apparents, dorés à l’or fin (si). Et une capsule de pression sur laquelle on pouvait visser un piston pour tester les variations de profondeur. J’étais alors en reportage à Fréjus avec Jean-Pierre Joncheray. Plongées profondes sur épaves, presque dans le noir si ce n’est le clignotement des diodes du DecoBrain qui fonctionnait parfaitement jusqu’à trois chiffres lors de ces plongées "carrées"…
Ayant en vue une certaine explo souterraine, je m’imposais alors une dernière plongée d’essai au Lion de mer, juste devant le port. Parti seul avec un bi 2x20 l, je plongeais plusieurs heures dans les éboulis, les arches et les grottes fleuries, descendant le tombant aux gorgones plusieurs fois, séjournant dans les 42m avant de remonter puis de redescendre, surveillant ma saturation. Un profil complètement dingue enchaînant des dizaines de successives. Un beau voyage aussi, sanctionné par très peu de paliers.
Tout s’étant bien passé, je décidais d’utiliser le DecoBrain qui s’avèrera décisif lors de la pointe à la grotte de la Mescla, dans les gorges du Var, au dessus de Nice.
Auparavant, j’avais passé des heures à sec, devant le profil de plongée, vissant ou dévissant le piston au gré des profondeurs, tentant de simuler la vraie plongée et surtout la durée des paliers qui seraient à faire aux différents points hauts. Le succès de la plongée dépendait d’une bonne anticipation de la quantité de gaz nécessaire et donc de bouteilles à transporter. Lors de la "vraie" tentative, j’atteindrais -80 m dans un puits géant au fond du siphon 3, au cours d’une plongée de 11h.


Pêche à l’Aladin

La suite de l’histoire est plus connue : pas un fabricant qui ne propose aujourd’hui son ordinateur de plongée ; pas un plongeur qui imaginerait s’en passer. Nous avons utilisé l’Aladin pendant des années. Même lors des "plongées à 3 chiffres", un ingénieur d’Uwatec m’ayant assuré qu’après "99" la machine repartait à "1" mais calculait pour "100". Dont acte …  Par contre mes suppliques concernant la mise au point d’un modèle multi gaz restèrent sans effet : dans les années 90 personne ne croyait encore à l’avènement de la plongée Tek.
 Mais nous plongions pourtant déjà au Trimix avec paliers au Nitrox, à l’Oxy …  Et utilisions les "vieux" Aladin comme base de calcul de certains paramètres. Seul souci : grâce à l’oxygène pur, nous finissions toujours nos paliers bien avant nos ordinateurs et étions obligé de les laisser tremper dans la vasque au bout d’une canne à pêche ; que nous ferrions d’un coup de poignet sec quand ils avaient fini de couiner, au bout de quelques heures …

Et l’avenir ?  On peut rêver à une centrale intégrée d’acquisition de données : prise de vue 360 °, profondeur, position, itinéraire, autonomie, données physiologiques …  Le tout enregistré et renvoyé dans le masque en Réalité Virtuelle ?  Tout existe déjà mais pas encore pour le grand public. Et il faudra que tout cela soit étanche bien au delà de 300m si l’on en juge par les performances actuelles …
Le matériel de mesure des plongeurs n’a cessé d’évoluer et c’est tant mieux. Mais avec son lot de complexité et de risques d’erreurs, aussi … 

Au fait, n’oubliez pas de régler votre ordi sur "air" quand vous rentrerez d’un bon séjour nitrox ! ;-)

Bonnes plongées à toutes et à tous. Et je vous dis à bientôt, pour une nouvelle histoire de plongée…

A propos de l'auteur



Francis LE GUEN

Photojournaliste, auteur et animateur de séries pour la télévision consacrées à la mer, écrivain et directeur de la collection "Carnets de plongée" chez Glénat. Plongeur-explorateur depuis près de 40 ans, fondateur du titre mensuel "Plongeurs International" et du magazine interactif "Plongeur.com", Francis est aujourd'hui un expert des nouveaux médias et anime des communautés virtuelles très actives.

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